Fée Morgane

Fée Morgane
Mythologie
Légendes arthuriennes
Nom
Morgane
Autres noms
Morgain
Famille
Fille d'Ygerne et du roi de Cornouailles, demi-sœur d'Arthur et mère d'Yvain et Melehan

Présentation

Morgane, désignée également comme la fée Morgane ou Morgain, est un célèbre personnage du cycle arthurien, dans lequel elle est la sœur d'Élaine et de Morgause et demi-sœur du roi Arthur. Personnage positif à l'origine, elle est présentée ensuite comme une adversaire du roi, de sa femme Guenièvre et des chevaliers de la Table ronde.

Dernière des trois filles d'Ygerne de Tintagel, également mère du roi Arthur, et de Gorlois, duc de Cornouailles, Morgane la fée est une magicienne redoutable et possède des dons autant de guérisseuse que mortelle. Elle est présentée comme une fée au grand pouvoir, disciple de Merlin, parfois associée à la Dame du Lac, Viviane.

Elle est la femme, souvent infidèle, du roi Urien de Gorre avec qui elle ne s'entend pas et dont elle a un fils, Yvain, surnommé le chevalier au lion. En effet, Morgane n'hésite pas à multiplier les amants, dont les plus célèbres sont les chevaliers Accolon, qu'elle influença pour tuer le roi Arthur, et Guyomar, qui sera lui-même infidèle.

Selon certaines versions de la légende, Morgane est également la mère de Mordred qu'elle aurait eu d'une relation incestueuse avec son demi-frère, Arthur. Elle entraîna son fils afin de détruire le royaume de son frère, de prendre le royaume, de restaurer l'ancienne religion païenne et de combattre l'avènement du Christianisme.

Bien qu'étant présentée comme un personnage secondaire, elle devint, au fil des écrits, indissociable du monde arthurien. En effet, pour le public du Moyen-Âge, le nom de la fée Morgane est tout aussi célèbre que celui de Merlin ou du roi Arthur.

Elle aide autant les chevaliers (en tant que bienfaitrice en fournissant à Yvain un onguent pour le guérir de sa folie) qu'elle participe au déclin du Royaume d'Arthur. C'est elle qui révèle à Arthur la relation adultérine de Lancelot et Guenièvre par jalousie amoureuse de Lancelot, celui-ci l'ayant rejetée en raison de ses sentiments pour Guenièvre.

En effet, c'est au cours du XIIIème siècle, dans les romans de Chrétien de Troyes, que Morgane devint l'une des plus farouches ennemies d'Arthur. En effet, suite à la christianisation de l'île de Bretagne, Morgane devient l'ennemie d'Arthur, la femme fatale et tentatrice, élève du diable et diabolique elle-même.

Dans la légende arthurienne, Morgane est également la souveraine de l'île d'Avalon. Ainsi, lorsqu'Arthur est mortellement blessé par Mordred lors de la bataille de Camlann, Morgane sera la principale des neuf enchanteresses qui conduira le roi à ce lieu mythique en attendant qu'il puisse régner de nouveau sur la Bretagne.

À noter que son nom (Morgane mori-gane) signifie « né de la mer », ce qui ferait d'elle une ancienne divinité de la mer ou, sous le nom de Morrigan (mor-rigain) une divinité irlandaise de la guerre.

Histoire

Enfance et jeunesse

D'après le Lancelot-Graal, Morgane est décrite comme étant la fille du duc Gorlois de Cornouailles et de sa femme, dame Ygerne. Elle passe la première partie de son enfance avec ses parents dans la forteresse de Tintagel, dans le duché de Cornouailles. C'est quand Uther Pendragon monte sur le trône de Bretagne que l'horizon s'obscurcit pour la fillette. En effet, dès sa première rencontre avec dame Ygerne, Uther tombe éperdument amoureux d'elle et ne songe plus qu'à la conquérir par tous les moyens. Pour cette folie, il est prêt à engager le royaume dans une terrible guerre contre le duc de Tintagel. Cependant, Merlin, le magicien et conseiller du roi veut à tout prix éviter un bain de sang, ainsi, pour aider Uther à assouvir sa passion, il use de sa magie et permet à Uther de prendre, pour une nuit, l'apparence du duc.

Ainsi, sous les traits de son époux, Uther parvient donc à coucher avec dame Ygerne et conçoit avec elle le futur roi Arthur. Dans le même temps, Uther ordonne à ses hommes de faire assassiner le duc pour pouvoir ensuite épouser sa veuve. Morgane voit ainsi sa famille détruite à cause d'Uther Pendragon et lui en gardera rancune toute sa vie. Plus tard, sa mère se remarie avec le roi. Selon la tradition celtique, le nouvel époux d'une veuve doit donner en mariage les filles de celle-ci à ses plus puissants vassaux. Toutefois, Morgane étant encore une petite fille bien trop jeune pour être mariée, elle fut donc envoyée loin de la cour pour y être éduquée en attendant de pouvoir épouser le roi Urien.

Morgan Le Fay, tableau de Anthony Frederick Augustus Sandys (1864)

Selon certaines versions, elle est envoyée dans un couvent où elle apprend l'astronomie, la nature, la médecine et les sept arts libéraux (grammaire, rhétorique, logique, arithmétique, géométrie, cosmologie et musique), mais, selon d'autres récits, elle rejoint Avalon, l'île sacrée des fées et des druides. Toujours est-il que c'est durant cet exil qu'elle devient savante et qu'elle apprend la magie et qu'on lui donne le nom de « Morgane, la fée », en raison de son talent d'ensorceleuse. Morgane est très intelligente et très douée pour les sortilèges, elle devient donc par la suite l'élève de l'enchanteur Merlin, qui lui transmet une bonne partie de ses secrets dans la forêt de Brocéliande. Elle se servit plus tard de ses talents de magicienne pour comploter contre les chevaliers de la Table ronde et la cour du roi Arthur.

Apparitions dans les récits

Plusieurs années plus tard, Morgane est donc donnée en mariage à Urien, un personnage de haute noblesse venu d'un pays du nord beaucoup plus âgé qu'elle. Mais la jeune femme n'aime pas son époux et bien qu'elle n'hésita pas à lui être infidèle, elle aura un fils appelé Yvain, surnommé plus tard le chevalier au lion. En effet, mariée ou non, Morgane reste avant tout une femme d'une grande indépendance qui cultive son goût pour la liberté et l'insoumission. Morgane est présentée comme une femme luxurieuse et multiplia par conséquent les amants, jusqu'à ce que la reine Guenièvre, femme d'Arthur la fasse bannir de la cour. Morgane éprouvait par ailleurs une profonde jalousie envers la reine Guenièvre qui avait gagné l'amour du chevalier Lancelot, ce dernier ayant rejeté ses avances.

Ainsi, dans Sire Gauvain et le chevalier vert, Morgane lance un enchantement sur Becilak de Haudesert et le transforme en chevalier vert pour ennuyer Arthur mais surtout pour effrayer Guenièvre qu'elle déteste le plus. En effet, Morgane espère que son enchantement ferait du mal à Guenièvre à la vue du chevalier, tenant sa tête sous son bras, et la ferait mourir de frayeur.

Parmi les amants les plus connus de Morgane et probablement son favori se trouve Accolon, la fée semblant éprouver un amour véritable à son égard. Dans Le Morte d'Arthur, elle pousse alors son nouvel amant à tuer le roi Arthur en lui tendant une embuscade. Elle dérobe l'épée Excalibur à ce dernier pour la confier à Accolon, qui provoqua alors Arthur en combat singulier. Lorsqu'Accolon lâcha l'épée, Arthur la reconnut et le chevalier admit sa faute et se rendit dans une version, ou fut tué dans une autre. Bien que Morgane échappe aux sanctions, le roi ne lui en tenant pas rigueur, celle-ci va tresser, pour se faire pardonner, un fourreau magique pour Excalibur qui rend le roi invulnérable à toute blessure fatale au combat tant qu'il le porte.

Couverture de The mists of Avalon, Marion Zimmer Bradley

Néanmoins, Morgane demeura la principale antagoniste des légendes arthuriennes et s'en prit à plusieurs reprises aux chevaliers de la Table ronde, dont Lancelot. Dans le cycle du Lancelot en prose écrit au XIIIème siècle, on trouve le récit du Val sans retour dont Morgane est la protagoniste. Trahie par son amant Guyomar, Morgane la fée cherche à se venger. Elle ensorcelle alors une vallée au cœur de la forêt de Brocéliande et tous les chevaliers infidèles qui passent par-là sont condamnés à y demeurer prisonniers à jamais. En l'espace de quelques mois à peine, plus de deux cents cinquante-trois preux chevaliers sont à la merci de la magicienne. Ils seront finalement sauvés par Lancelot du Lac, le seul chevalier au cœur pur qui n'a jamais trahi sa bien-aimée, même en pensée, et déjoua ainsi le plan de Morgane.

Dans ce même recueil, Morgane cherche par tous les moyens à briser l'amour de Lancelot et de la reine Guenièvre et finit par dénoncer à Arthur la liaison adultère qui existe entre sa femme et son ami. Morgane provoqua ainsi un grave conflit qui va troubler l'unité de la Table ronde et la sérénité du royaume. Cependant, son principal méfait reste, dans certaines légendes, la conception de son fils, Mordred, lors d'une relation incestueuse avec son demi-frère, Arthur. Elle aurait dupé ce dernier afin de concevoir un enfant de lignée royale, de détruire le royaume de son frère, de prendre le pouvoir et de restaurer l'ancienne religion païenne. Baptisé Mordred, elle entraîna son fils pour qu'il tue son père et devienne le nouveau roi et ainsi obtenir le règne sur la Bretagne par son intermédiaire.

Dans le Roman de Merlin, l'enchanteur apparaît au roi Arthur sous la forme d'un enfant de quatre ans pour lui reprocher d'avoir péché en faisant un enfant avec sa sœur Morgane, puis sous celle d'un vieillard où il annonce qu'un chevalier à naître (Mordred) causera la perte du royaume. Mordred fut peut-être conçu de façon « fortuite » : Morgane représente la jeune vierge offerte au dieu Cornu qui n'est autre qu'Arthur, lors d'une fête païenne, sans qu'aucun des deux ne le sache. Ce n'est qu'une fois le rite accompli que les deux amants découvrent chacun l'identité de l'autre. Néanmoins, dans certains récits, Mordred n'est pas son enfant, mais celui d'une autre sœur d'Arthur, la reine d'Orcanie (Anna ou Morgause selon les textes). Toutefois, Morgane parvint tout de même à en faire son instrument.

Cependant, suite à la bataille de Camlann, Mordred fut tué par Arthur, qui succomba après une blessure qu'il avait reçu de lui. Morgane la fée va alors se repentir et emmena le souverain mortellement blessé sur l'île Avalon à bord d'un bateau noir en compagnie des neuf grandes prêtresses pour lui faire le dernier grand voyage vers l'Autre monde. Ainsi, malgré l'ensemble de leurs différends, elle accueillit son demi-frère dans le royaume des dieux celtiques.

Caractéristiques du personnage

Morgane est décrite généralement comme une femme plutôt séduisante, même si sa beauté n'égale pas celle de sa grande rivale, la reine Guenièvre. À l'instar du corbeau, animal en lequel elle se transforme souvent, Morgane a de longs cheveux noirs, c'est le trait physique qui apparaît le plus régulièrement dans les descriptions que l'on trouve d'elle. Cependant, ce que l'on retient surtout de ce personnage, c'est sa grande intelligence et sa maîtrise de la magie, c'est d'ailleurs ce qui lui vaut son surnom de "fée". Morgane est experte dans l'art de la métamorphose, elle se change souvent en corneille ou en corbeau.

La fée Morgane, grande prêtresse de l'île d'Avallon et rivale de la reine Guenièvre

Habituée à vivre dans le monde féerique, elle ne vieillit presque pas. Excellente guérisseuse, elle possède des remèdes contre la plupart des blessures, excepté celles de son propre cœur. Car Morgane n'est pas une femme heureuse en amour, c'est là une autre de ses particularités. Tout d'abord, elle est rejetée par Lancelot qui lui préfère la reine Guenièvre. Ensuite, elle est mariée contre son gré à Urien, un homme qu'elle n'aime pas. Pour finir, la plupart des hommes dont elle tombe amoureuse, comme Accolon ou Guyomar la déçoivent ou lui sont infidèles. Morgane est donc une femme solitaire et souvent malheureuse, sa frustration et ses déceptions la conduisent parfois à vouloir se venger, c'est pourquoi certains auteurs la décrivent comme un personnage négatif, plein de haine et de rancœur.

Image de la fée Morgane dans les différents textes

Morgane la fée est un personnage complexe et ambivalent, c'est-à-dire qu'elle peut faire à la fois le bien et le mal. Dans les textes les plus anciens, elle est généralement présentée comme une magicienne guérisseuse qui aide les chevaliers lors de leurs aventures, c'est le cas dans le Chevalier au Lion de Chrétien de Troyes, mais elle peut être décrite aussi comme une enchanteresse maléfique, adversaire sans scrupules d'Arthur et de ses chevaliers, qui n'hésite pas à utiliser la ruse et la fourberie pour arriver à ses fins. Comme on l'a dit plus haut, Morgane est avant tout une femme indépendante qui ne se soumet pas aux règles et aux convenances, elle a son propre code moral et n'accepte pas toujours les valeurs de la cour du roi Arthur, c'est pourquoi les chevaliers de la Table ronde se méfient d'elle et la craignent autant qu'ils la respectent.

D'ailleurs, Morgane ne fait pas vraiment partie de la cour du roi. Ennemie de la reine Guenièvre dont elle est l'opposé, elle rencontre le plus souvent Arthur ou les chevaliers dans la forêt ou dans son propre château. C'est à partir du XIIIème siècle, dans le Lancelot en prose que Morgane apparaît comme un personnage vraiment maléfique, à la fois luxurieux et fourbe. À cette époque, l'église, très puissante, a une image extrêmement négative des femmes. Morgane la fée, femme libre, indépendante et insoumise, qui de surcroît pratique la magie, ne pouvait pas être présentée comme une figure positive... Elle est en effet le symbole d'un pouvoir féminin complètement réprouvé par la société médiévale. À cette époque, l'image de la sorcière diabolique se substitue doucement à celle de l'enchanteresse bienveillante et mystérieuse.

Symbolique du personnage

Morgane la fée est un héritage du folklore celtique et des croyances païennes qui existaient avant le christianisme. Elle représente un monde encore barbare où les hommes ne maîtrisent pas les forces de la nature. Elle est l'opposé de son demi-frère Arthur, roi chrétien, moderne et pleinement humain qui représente l'ordre féodal et le monde civilisé. Les chevaliers de la Table ronde, grâce à leurs quêtes et à leurs exploits, ont pour mission d'apporter les lumières de la civilisation dans les lieux les plus reculés de Bretagne, ils doivent purifier et dominer cette nature hostile et menaçante, ce monde étrange, peuplé de créatures ténébreuses et inquiétantes, ce monde où vit Morgane.

La mort du roi Arthur. tableau de James Archer, XIXème siècle

Arthur est une figure solaire et lumineuse tandis que Morgane est un personnage sombre, mystérieux et secret que l'on associe plus volontiers à l'hiver et à la nuit. Elle est également en relation avec le cycle naturel de la vie et de la mort. Excellente guérisseuse, sa connaissance de la magie et de la nature lui confère aussi le pouvoir de donner la mort. Elle est liée au corbeau, animal qui évoque la mort dans presque toutes les cultures du monde et elle vit la plupart du temps dans des lieux qui se trouvent aux frontières de l'Autre monde (l'au-delà, dans la mythologie celtique). C'est également elle qui recueille Arthur lorsqu'il agonise. Elle l'emmène avec elle sur l'île d'Avalon - encore un lieu appartenant à l'Autre monde que l'on peut comparer à une sorte de royaume des morts. En revanche, de par son pouvoir de séduction et son don pour soigner, elle représente le renouveau de la vie, la régénérescence de la nature après le sommeil hivernal.

Souvent à l'origine de conflits et de chaos, Morgane est aussi celle qui apporte des remèdes et du réconfort à ceux qui sont dans la souffrance ou dans l'errance. À l'image de la nature indomptée qui peut être aussi cruelle et mortifère que douce et abondante, Morgane la fée a deux visages, en cela, elle est insaisissable. C'est sans doute la raison pour laquelle elle a été si durement jugée par les clercs chrétiens du Moyen-âge.

Morgane représente l'ancien monde, celui des croyances occultes, de la magie et de la force sauvage de la nature. Elle vit dans la forêt, connaît les secrets des plantes et des animaux, maîtrise les éléments et possède le pouvoir de tuer ou de guérir. Elle incarne de ce fait tout ce que les hommes du Moyen-âge ne comprennent pas et ne parviennent pas à dominer, ce qui explique qu'ils se méfient d'elle et la rejettent. Cependant, même si elle n'est pas acceptée par la société médiévale, elle reste un personnage d'une grande force symbolique, riche et très attachant. La littérature médiévale, dans l'ensemble assez misogyne, n'a pas laissé pas beaucoup de place à Morgane la fée, mais celle-ci reste très souvent présente en arrière-plan des récits, soit en tant qu'opposante, soit en tant qu'adjuvante, preuve implicite que les anciennes traditions ne sont jamais totalement oubliées.

Source : http://legendearthur.canalblog.com/pages/la-fee-morgane/25176154.html

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